Massacre d’octobre 1937 : entre xénophobie de Trujillo et conspiration de l’État haïtien

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Sous le gouvernement de Sténio Vincent, un accord frontalier a été signé avec la République dominicaine le 27 février 1937. Celui-ci a modifié l’accord conclu en janvier 1927 sous le gouvernement de Louis Borno. Toutefois, le massacre de plus de 20 000 travailleurs agricoles haïtiens par l’armée, la police et des civils du 2 au 8 octobre 1937 sous l’ordre du président dominicain d’alors, Rafael Leónidas Trujillo Molina n’a pas été empêché.

Dans une tournée à Dajabon, petite localité de la frontière, le dictateur Rafael Trujillo a martelé à la foule venue l’acclamer le 02 octobre 1937 : “J’ai appris que les Haïtiens volent vos nourritures et vos bétails, nous réglerons cette affaire. D’ailleurs, nous avons déjà commencé : trois cents Haïtiens ont déjà été tués à Banica et ce remède va se poursuivre,” a-t-il déclaré.

Des signes avant-coureurs de plusieurs journées dramatiques pour les Haïtiens. Kouto-a, el corte, massacre du persil, sont entre autres les différentes appellations de cette tragédie.

Dans son ouvrage intitulé “Histoire Période Nationale”, Wesner Emmanuel a écrit : “Dans presque toutes les localités de la zone frontalière, sans distinction d’âge et de sexe, le sang coule à flot. On tue à l’arme blanche. Certaines victimes sont noyées. Pour bien identifier les Haïtiens, on leur demande de prononcer les mots ‘perejir et cotorrrito’ vu leurs difficultés à bien articuler le ‘r’ dans les mots espagnols.

Après avoir tué et jeté à la mer, massacré des hommes, des femmes et des enfants dans la prison à Monte Cristi, les prédateurs ont dû changer de méthode. Les consignes étaient claires : encercler les Haïtiens par groupe de cent cinquante, puis les amener à Dajabon où la frontière était fermée sur la rivière. Ils leur dirent qu’ils ne pourraient pas tous traverser le pont. Les Haïtiens furent donc conduits par groupe de six dans les bois où leur sort était déjà scellé. Des soldats armés de machette, de gourdins et de couteaux les attendaient pour les frapper sauvagement à coup de gourdins pour ensuite achever à coup de couteaux. Les enfants furent eux-mêmes transpercés par des baïonnettes et projetés en l’air.

Marguerite Pierrot, une rescapée, raconte : “La nuit venue, après avoir terminé avec les hommes, ils s’en sont pris aux femmes. Ils nous ont attachées par groupe de six et nous ont conduites à un bois pour nous tuer toutes à coup de machette. Mes liens se sont détachés, j’ai glissé et je suis tombée dans un trou. Mon enfant s’est mis à pleurer, un soldat s’est approché et l’a décapité. Il a cru que j’étais morte et s’est contenté de me frapper les jambes… cette nuit-là j’ai perdu mes neuf enfants, mon mari, mes belles-sœurs, leurs trois enfants et ma mère.”

Le gouvernement haïtien face à ce massacre

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Malgré les informations venues du consul de Dajabon, le gouvernement s’enferme dans un silence incompréhensible. Un silence officiel qui n’a pas empêché la propagation de la nouvelle et dans tout le pays l’indignation était à son comble. Ce qui va provoquer des agitations au niveau des écoles publiques, des manifestations pour réclamer une attitude plus ferme, plus digne et même une riposte du gouvernement accusé par certains d’être en connivence avec les autorités dominicaines dans le massacre.

Dans une lettre adressée à son homologue le général Trujillo, Sténio Vincent l’invite à condamner les faits, mener une enquête afin de fixer les responsabilités, punir les coupables et dédommager les parents des victimes sur l’arbitrage du gouvernement haïtien.

Évremont Carrie, ambassadeur d’Haïti en République dominicaine, au même moment, fait la déclaration suivante et je cite : “En ce qui concerne la responsabilité des faits, le gouvernement haïtien a fait savoir par l’intermédiaire du chef de l’État, le président Sténio Vincent, ainsi que par son représentant à Ciudad Trujillo, qu’il a toujours mis hors cause la haute personnalité du président Trujillo et son gouvernement.”

Réaction de la communauté internationale

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L’opinion publique aux États-Unis réclame la rupture des relations diplomatiques avec le régime dictatorial de Trujillo. Le président Vincent est contraint de laisser l’entremise à la commission Ad Hoc interaméricaine, composée des USA, du Mexique et de Cuba.

Les travaux sont menés avec lenteur et ont abouti à l’échec au refus dominicain de coopérer. Le 03 janvier 1938, à la surprise générale, le gouvernement du président Vincent annonce sa décision de retirer sa plainte et d’aboutir à un règlement bilatéral avec la République dominicaine. Le gouvernement dominicain s’engage à payer au gouvernement haïtien sept cent cinquante mille dollars (750 000) américains. Finalement, le gouvernement haïtien ne recevra que deux cent cinquante mille dollars (250 000) américains, ce qui donne une indemnité de douze dollars (12) pour chaque Haïtien tué, une somme que la plupart des victimes ne verront jamais.

La participation des autorités haïtiennes dans le génocide

De droite à gauche : Rafael Leónidas Trujillo Molina, Sténio Vincent. Si non les vols avancés par les officiels dominicains, les causes profondes du massacre d’Octobre de 1937 sont restées inconnues. Par ailleurs, on ne peut ignorer l’émigration, le facteur racial et culturel ainsi que le développement économique des deux républiques.

Les autorités dominicaines n’ont jamais voulu endosser seules la responsabilité du génocide. “Nous autres Dominicains, nous acceptons notre responsabilité dans cette lamentable affaire, mais ce que vous ignoriez monsieur l’ambassadeur, c’est que nous possédons des documents authentiques qui attestent la participation formelle, quoique indirecte, d’éminentes personnalités haïtiennes dans la perpétration du drame,” confie une personnalité dominicaine au diplomate Jean Price Mars.

Pourquoi tant de haine envers les noirs ? Quand est-ce que nos dirigeants cessent de comploter contre leurs concitoyens ?

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