Le Mystère de la Prière de Boukman au Bois Caïman : À Quel dieu S’est-il Réellement Adressé?

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Haïti, le premier pays noir à avoir obtenu son indépendance, n’a pas acquis ce titre sans la bataille des esclaves. Le 14 août 2023 marque le 232e anniversaire de la cérémonie du Bois-Caiman, une réunion historique de nombreux esclaves en fuite, considérée comme la première étape de la guerre pour l’indépendance.

À l’époque, la colonie de Saint-Domingue était la plus grande et la plus prospère des Antilles, en grande partie grâce au travail acharné des esclaves. Ces mains puissantes qui soutenaient l’économie des maîtres blancs étaient cependant traitées comme des objets. Les maîtres blancs les utilisaient à leur gré, les privant de droits fondamentaux, y compris une alimentation adéquate. Cette situation a engendré une prise de conscience parmi les esclaves, conduisant à l’émergence de leaders tels que Biassou, Boukman, et d’autres. Ces esclaves, souvent considérés comme inférieurs, ont réussi à saisir l’essence de la liberté, bien au-delà des discours et des déclarations. Pour fuir l’esclavage, ils se sont réunis sous les arbres de l’habitation Lenormand de Mézy, dans le nord de la colonie, dans la nuit du 14 août.

Dans la clandestinité, autour du feu, la cérémonie a été présidée par la prêtresse Cécile, qui, selon l’histoire, a égorgé un porc. Boukman, en tant que houngan, a adressé une prière :

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“Le dieu qui a créé la terre, qui a créé le soleil qui nous donne la lumière.

Le dieu qui détient les océans, qui fait rugir le tonnerre.

Dieu qui a des oreilles pour entendre : toi qui es caché dans les nuages, qui nous montre d’où nous venons, tu vois que les blancs nous ont fait souffrir.

Le Dieu des Blancs leur demande de commettre des crimes.

Mais Dieu en nous veut que nous fassions le bien.

Notre dieu, qui est si bon, si juste, nous ordonne de nous venger de nos torts.

C’est lui qui dirigera nos armes et nous apportera la victoire.

C’est lui qui va nous aider.

Nous devrions tous rejeter l’image du dieu des Blancs, si impitoyable.

Écoutez la voix de la liberté qui chante dans tous nos cœurs.”

Cette prière a fait l’objet de débats. Pour les adeptes du vaudou, Boukman s’était adressé aux loas. Les esclaves fraîchement arrivés d’Afrique, en particulier du Bénin, bastion du vaudou, ne connaissaient pas Dieu, mais les loas, selon le journaliste Semilien Louisius. D’autres, croyants en Christ, affirment que Boukman a prié Dieu. La question est de savoir qui a créé le ciel, Dieu ou les loas ? Qui peut donner de la lumière sinon la lumière elle-même, car Jésus-Christ est défini comme la lumière du monde dans Jean 8v12, comme le souligne un membre d’une congrégation de la capitale. De plus, il soutient que le prêtre a plutôt composé un psaume, comme la Bible le révèle.

En fin de compte, à qui Boukman s’est-il réellement adressé ? D’une part, un jeune qui souhaite rester anonyme se demande s’il est pertinent de savoir à qui le prêtre a prié ce jour-là, car ils ont déjà triomphé des Blancs. D’autre part, pour un jeune étudiant, connaître la divinité à laquelle Boukman s’est adressé revêt une importance cruciale. Peut-être devrions-nous encore nous tourner vers cette divinité pour sortir le pays de la situation actuelle.

Ces esclaves, sans accès à l’éducation formelle ni à des diplômes, ont réussi à réaliser ce que Périclès avait compris : “Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage.” Ils ont bravé le danger, et leur effort n’est pas resté vain. Une semaine après la cérémonie, soit le 22 août, ils ont tué environ un millier de Blancs et incendié 161 sucreries et environ 1 200 plantations de café. Est-ce une leçon qu’ils ont souhaité nous transmettre, même aujourd’hui, alors que le pays regorge de personnes diplômées ? Devrions-nous encore adresser des prières, ou devrions-nous suivre le message : “Écoutez la voix de la liberté qui chante dans tous nos cœurs” ?

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