Féminicides en Haïti : Une Tragique Série qui Persiste

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Le début de l’année 2023, en Haïti en particulier, a été marqué par une série d’événements troublants. Crimes, assassinats, séquestrations et enlèvements sont parmi les images que le premier mois nous a renvoyées. Sur ce triste tableau, les femmes sont écrites en lettres sombres.

La question du féminicide n’est pas nouvelle dans la vie quotidienne haïtienne. C’est plutôt une série qui a commencé il y a plus d’une décennie chez nous, et depuis, chaque année, au moins une fois, on s’attend à apprendre la nouvelle d’une fille violée, assassinée, battue ou maltraitée par son mari, amant ou des ravisseurs. Ces crimes ressemblent à un nouvel épisode d’un feuilleton, une nouvelle saison d’une série, car à chaque époque, ils se manifestent différemment.

En décembre 2005, l’actrice Ginou Mondésir a été lâchement maltraitée par son mari pour finalement se retrouver dans le silence éternel. Les gens pleurent encore la disparition de cette célèbre présentatrice et actrice, qui a laissé derrière elle un fils âgé de onze ans à l’époque. Quelques années plus tard, c’était au tour de Délizane Délivois d’être matraquée. Ensuite, est venue la saison des “poignards”, une saison qui semble être en rediffusion cette année. Sonine Mathurin, Natacha Castelli et Marlène Colin, cette jeune Jacmélienne fraîchement revenue de la République dominicaine pour poursuivre ses études en sciences infirmières, ont rejoint la liste des victimes. La nouvelle de l’assassinat de ces femmes a secoué les réseaux sociaux, mais les crimes ont-ils pour autant cessé ? On se souvient de Jucelène Jean Charles, une employée de la Sogebank, battue à mort par son mari, et plus récemment d’Évelyne Sincère, dont la mort a plongé toute la république dans la consternation. En 2021, la diffusion de cette terrifiante série n’a pas pris fin, et dès le matin du 1er janvier, Sherley Monfort a été assassinée par celui qui partageait sa vie. Jepheline Beauvoir, originaire de Gonâve, a également été mise à mort par son amant à coups de couteau. Elles ne sont pas les seules, environ six jeunes filles ont emprunté cette voie au cours de ce mois.

Elles étaient mères, professionnelles qui auraient pu contribuer à la construction du pays que nous rêvons tous. Malheureusement, elles sont parties honteusement vers l’au-delà.

Qu’est à l’origine de tout cela ? On rapporte que, dans certains cas, plusieurs ont d’abord été battues, humiliées, malmenées, même par leurs partenaires, mais elles ont préféré rester dans cet enfer parce qu’elles voulaient sauver leur mariage. D’autres, ne pouvant subvenir à leurs besoins, acceptent la situation à contrecœur. La jalousie est parfois une cause de ces crimes, d’où l’on parle de crimes passionnels. Des hommes, des intellectuels qui ont peut-être lu Jean Anouilh, celui qui a dit qu’il ne faut pas battre une femme, même avec une fleur, sont des auteurs de ces actes.

Peut-on remédier à cette situation ? Mme Esther Stanislas, directrice du bureau des femmes de la VIREHA et défenderesse de la cause des femmes, plaide en faveur de l’éducation. Un changement de mentalité pour un changement de personne, car l’éducation a le pouvoir de transformer l’état brut en état civilisé. Il est essentiel que les filles n’acceptent pas de dépendre des hommes, mais qu’elles se concentrent sur leurs études, a-t-elle déclaré à notre rédaction. De plus, Mme Stanislas insiste sur le fait que les femmes ne doivent pas avoir peur de porter plainte. Elle demande aux autorités concernées d’assumer leurs responsabilités. Si les hommes savaient que la moindre infraction serait sévèrement punie, ils agiraient différemment. Il est impératif que l’État se concentre sur la protection des femmes.

Malgré les tweets et les interventions sur les réseaux sociaux, après chaque affaire, la société semble se replier dans l’indifférence. Pourquoi cette attitude ? Serait-ce par peur ou pour attendre le prochain épisode ? Quand donc prendra fin cette série inquiétante ?

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