En Haïti, le mariage forcé un calvaire pour la jeunesse haïtienne

Image

Le mariage non désiré, une pratique préjudiciable qui, de nos jours, nuit aux jeunes au sein de la société haïtienne. Cette pratique n’est pas nouvelle. Car, elle remonte aux temps anciens de ladite société. Étant héritage culturel, les mariages sans consentement mutuel perturbent les droits fondamentaux des individus et favorisent la pauvreté, la violence conjugale et psychologique, la précarité, la gangstérisassions et autres.

Robert, 24 ans, marié et père d’un petit garçon, a déjà eu l’expérience du mariage non désiré. Dès ses 22 ans, il a fait la rencontre de sa femme Anna. Quelques mois après, ils ont été contraints de se marier car elle est tombée enceinte. « Je ne voulais pas m’y aventurer car je n’étais pas prêt pour entretenir un lien conjugal. Quand on a 22 ans et qu’on est étudiant en Haïti, opter pour le mariage n’est pas la meilleure décision », confie Robert. « Ce n’était qu’une relation de jeunesse, ce n’était pas le vrai amour. Le malheur a frappé à ma porte, hélas ! » se désole-t-il.

La mort dans l’âme, il explique qu’il est en couple avec quelqu’un qui n’est pas celle qu’il aime vraiment : « Nos rapports intimes deviennent une formalité où chacun essaye de penser à la personne qui pourrait vraiment le faire profiter pleinement de ce moment. Par ailleurs, nos économies peinent à suffire. À trois, sous le même toit, c’est le calvaire. » Il en résulte un couple frustré ayant une vision dantesque de leur avenir mais qui ne peut se séparer. À en croire Robert qui souligne que la séparation est une pratique interdite par l’assemblée religieuse qu’il fréquente. Et selon ses dires, cette pratique est aussi défendue par les parents qui, dès le début, en ont fait une question de vie ou de mort. Comme résultat, nombreux sont celles et ceux qui sont contraints de se marier et qui gardent encore un mauvais souvenir de cette expérience même après leur rupture.

Image

Si le mariage se définit comme le choix personnel des deux époux, le mariage forcé est celui dans lequel l’un des conjoints au moins n’a pas personnellement donné son consentement plein, libre et éclairé à l’union.

Gisèle, originaire de Maïssade, se souvient encore de son mariage à onze ans juste parce qu’elle était tombée enceinte. Ils étaient tous deux enfants mais cet élément ne comptait pas pour les parents. À l’issue de plusieurs jours de discussions, leurs parents réciproques les ont annoncés qu’ils allaient s’unir pour la vie. Gisèle à onze de cette époque, ne s’attendait pas à cette nouvelle car son objectif était de mettre au monde l’enfant et de poursuivre son parcours scolaire. « Je ne voyais pas en lui un mari. Innocente, il m’a convaincue de tenter ma première expérience et c’est arrivé » affirme-t-elle. S’en est suivi des années de discours comminatoires, d’inconfort et de difficultés jusqu’à leur séparation. Gisèle à Port-au-Prince, son ex-mari en République dominicaine et l’enfant confié à la garde des parents du monsieur.

La grossesse précoce, le mariage forcé et l’église

De nombreuses assemblées religieuses locales ont recours au mariage forcé au nom du respect des principes auxquels s’accrochent les membres. Elise n’avait que 20 ans lorsqu’elle s’était mariée. Jeune chantre, membre de la chorale des jeunes d’une assemblée de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, fille de l’un des diacres, elle a dû choisir entre l’exclusion, la suspension d’aide économique et le mariage après avoir annoncé sa grossesse à ses parents et aux responsables de ladite assemblée. Quelques mois après son mariage, son calvaire a débuté. Elle est victime de violence physique, économique et psychologique. Sachant que l’église dans laquelle elle professe sa foi est contre le divorce, elle n’ose enclencher cette démarche. Entre temps, elle doit à maintes fois trouver un subterfuge pour ne pas fournir des explications à propos des bleus sur son visage.

Ce sont des témoignages qui mettent en avant les conséquences d’une pratique préjudiciable qui a la vie dure au sein de la société. N’est-elle pas contraire aux normes en vigueur ? Ne constitue-t-elle pas une atteinte aux droits humains ?

L’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 dispose : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et le plein consentement des futurs époux… »

Le consentement constitue l’élément fondamental de l’engagement matrimonial. Me Arnel Rémy, avocat et porte-parole du Collectif des avocats pour la défense des droits de l’homme (CADDOH), souligne que le code civil haïtien en son article 134 dispose qu’il n’y a point mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. Franso Jean, vulgarisateur juridique, poursuit en affirmant que les personnes qui se trouvent dans un lien conjugal non-désiré se doivent d’agir dans le but de le dissoudre au regard de l’article 165 du code civil indiquant que le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux ou de l’un deux, peut être attaqué par les époux ou celui des deux dont le consentement n’a pas été libre. 

Le pasteur John Arthur Emmanuel, quant à lui rejette l’idée de marier des jeunes pour des raisons de grossesse voire les imposer. « Je pense que le mariage doit être un acte volontaire. Je suis contre ces groupements qui exigent le mariage en raison d’une grossesse. » A-t-il avancé. Ces genres de décisions font beaucoup de tort aux jeunes, ce qui cause beaucoup de Divorce.

La précarité et le mariage non-désiré

Selon les indices de l’Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS-VI) de 2016, le pourcentage des cas de grossesse précoce est beaucoup plus élevé chez les femmes de faible niveau et de faible moyen. Avec un revenu journalier avoisinant 2 à 5 USD pour la majorité de la population (70% environ), une pitance qui ne saurait subvenir aux besoins d’une seule personne, l’homme va devoir s’occuper de trois personnes au moins (époux, épouses et enfant(s)). Résultats : La pauvreté s’accroît, la misère s’ensuit et la société se fragilise. C’est la scène d’enfants malnutris, avec une santé défaillante qui parfois laissent le toit familial pour subvenir à leurs besoins. Ces derniers, ne peuvent pas fréquenter l’école, sont en proie à la délinquance juvénile. Selon une étude du Docteur Greg J. Duncan réalisée en août 2007, le faible revenu familial et le problème de comportement sont liés entre le début de la naissance à sa cinquième année. Les enfants élevés au sein des familles à faible revenu ont davantage de problèmes psychosociaux. (Source : http://www.enfant-encyclopedie.com)

Les dangers du mariage non désiré

Le mariage non désiré en Haïti, laisse souvent ses répercussions. Évidemment, les conséquences médicales ne sont pas négligeables. La psychologue Sulfise Érasmé pense que c’est tout simplement une préparation au divorce. « Immaturité, incompatibilité de caractère… sont entre autres les raisons de la caducité de ces relations. De surcroît, nous avons des parents ratés, qui ne peuvent pas partager l’amour à leur progéniture. En d’autres termes, un couple disloqué, se sentant mal à l’aise, proche de la dépression à n’importe quel moment peut recourir à l’homicide ou au suicide carrément », a-t-elle précisé. Selon la spécialiste, le mariage forcé a souvent occasionné la délinquance juvénile, l’évolution des enfants en absence de l’un ou des deux parents, la précarité extrême, la malnutrition, l’incapacité des jeunes mariés de répondre à leur besoin sanitaire, la prolifération des gangs armés, etc.

De plus, il est important de noter que les jeunes mariés souffrent de ne pas pouvoir jouir pleinement de leur liberté et il entraîne souvent la violation des droits fondamentaux de la personne comme le droit à la liberté, à la santé, …

Par-dessus les sanctions, les menaces de mort des parents, ne pourrait-on trouver une alternative ? Qui a dit que c’était l’homme ou la femme de sa vie ?

En tout cas, le mariage forcé est une mitrailleuse qui tue silencieusement et continue sa quête dans la mesure où les bases ne sont pas bien posées.

One comment

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *